Avancées de la stratégie

Les priorités recherche énergétique dans les territoires ultramarins

Caractérisés par des systèmes électriques contraints, les territoires ultramarins sont à la croisée d’enjeux de recherche essentiels. Yvonnick Durand nous éclaire sur les enjeux de recherche de ces territoires.


Yvonnick Durand, Coordinateur thématique énergie

(coordinateur transition énergétique des zones non interconnectées– ZNI – à l’ADEME).

Dans quel contexte la recherche en matière énergétique s’effectue-t-elle au sein des territoires ultramarins ?
Yvonnick Durand

Ces territoires sont caractérisés par des systèmes électriques très contraints qui, contrairement à l’Hexagone, ne peuvent pas s’appuyer sur des interconnexions avec les pays frontaliers pour assurer la stabilité de leur système électrique. Par ailleurs, la loi de transition énergétique pour la croissance verte a fixé un objectif d’autonomie énergétique à l’horizon 2030 dans les ZNI (zones non interconnectées) ultramarines. Il y a donc un réel enjeu à y développer des sources d’énergies renouvelables locales. Les premières études prospectives de l’ADEME en ZNI, effectuées à partir de 2015, avaient démontré la faisabilité technico-économique de systèmes électriques autonomes dans ces territoires, mais pas à l’horizon 2030, au regard du rythme élevé de déploiement des filières de production d’énergies renouvelables que cela impliquerait. D’où la réalisation de nouvelles études en 2021 avec des améliorations méthodologiques, et réévaluant cet objectif à l’horizon 2050.

Pouvez-vous nous rappeler quels sont les grands enjeux de recherche en matière énergétique dans ces territoires ?
Y.D.

Il y a plusieurs enjeux simultanés. Comme mentionné précédemment, outre l’objectif fixé par la loi, il existe un enjeu de faisabilité d’un scénario 100 % EnR locales dans les DROM-COM, la question de l’intégration des EnR électriques au réseau, et en corollaire, celle de l’expérimentation du stockage de l’électricité à grande échelle. Et bien sûr, il est nécessaire d’évaluer les impacts environnementaux des scénarios de transition énergétique visant l’autonomie et l’acceptabilité sociale de cette ambition. Les enjeux environnementaux, en particulier paysagers, sont en effet extrêmement importants dans ces territoires.

En matière de recherche, cela pose des questions, notamment en termes d’intégration des énergies renouvelables variables (éolien et PV, notamment) au sein du réseau électrique, à des taux de pénétration dans le mix électrique qui pourront à terme être très élevés et dépasser 70 % du mix électrique. On peut citer également des enjeux de développement et d’approvisionnement en biomasse locale de façon durable. Chaque territoire dispose d’un gisement en énergies renouvelables qui lui est propre et présente donc un profil particulier d’un point de vue système électrique. Certains vont principalement devoir faire appel à des énergies renouvelables variables, donc typiquement l’éolien et le photovoltaïque – je pense à Mayotte, par exemple –, d’autres pourront compter sur une production d’énergie renouvelable de base, comme la Guadeloupe avec la géothermie, ou la Guyane avec l’hydroélectricité. Le stockage d’électricité et la flexibilité de la demande électrique constituent notamment, à terme, des moyens d’action indispensables pour assurer l’équilibre offre-demande (EOD).

Quels liens voyez-vous entre les enjeux de recherche dans les territoires ultramarins et ceux de l’Hexagone ?
Y.D.

Les résultats de la recherche en territoires ultramarins peuvent enrichir les visions et les connaissances en France continentale, en particulier en matière d’intégration des EnR en milieu insulaire dans le cadre de systèmes électriques très contraints (cas de la Corse ou de certaines zones bretonnes) et d’intégration paysagère, tout en minimisant les impacts environnementaux des installations. Mais on peut également citer les travaux à venir sur le vieillissement des systèmes photovoltaïques en zone tropicale, sujet clé pour les développeurs de projets, qui devraient permettre d’aboutir à des préconisations de conception des systèmes utiles à certaines régions de France métropolitaine.

Enfin, les premiers projets de production d’hydrogène vont faire fonctionner les électrolyseurs de façon fluctuante en outre-mer, afin de suivre la production solaire. C’est un fonctionnement qui peut impacter leurs performances, mais qui préfigure aussi celui prévu dans l’Hexagone dans les décennies à venir, afin de profiter au mieux des excédents de production renouvelable. Le comportement de ces électrolyseurs va donc être suivi de près avec la collaboration des universités ultramarines, afin d’en tirer le maximum d’enseignements.

Ces travaux de recherche s’inscrivent également dans le rayonnement de l’expertise et du savoir-faire français à l’international. En effet, certaines îles confrontées à des problématiques similaires souhaitent se baser sur ceux-ci en adaptant les solutions déjà éprouvées sur notre territoire. Des projets de transfert de compétences pour des pays tiers pilotés par l’ADEME sont déjà en cours, par exemple en République deMaurice ou en République dominicaine.